Le travail en dehors du salariat peut aussi être une perspective introduite par des autrui, de sorte que le projet personnel prend la forme d’un projet collectif. C’est ce que raconte cet homme (36 ans, célibataire, manutentionnaire, 15 mois de chômage) qui a eu un parcours professionnel heurté et marqué par de nombreuses interruptions. Énumérant un entrelacs de missions d’intérim, de coups de mains, de petits contrats, il argumente ses capacités à « travailler dur ». Puis il formule une aspiration professionnelle différente : ouvrir un commerce. Cette perspective est solidement inscrite dans ses réseaux ethniques : d’origine asiatique, il a une sociabilité fortement inscrite dans des réseaux de compatriotes, et son projet est une proposition formulée par une de ses connaissances, qui semble aussi être pourvoyeuse des fonds nécessaires. Pour argumenter cette perspective il insiste beaucoup sur sa réputation au sein de sa communauté, où il dit être perçu comme quelqu’un qui n’a « pas peur de travailler », et qui est « honnête ». Ces qualités semblent, dans ce contexte, centrales, et sont des sources de reconnaissance nécessaires pour concrétiser ce projet, et même pour qu’il puisse être envisagé et formulé (n°C19).