Affronter le chômage et faire candidature, c’est s’exposer à des jugements, en particulier ceux des recruteurs dont la fonction est de décrypter, pour mesurer, hiérarchiser, sélectionner. Dès lors toute information peut être mobilisée, peut circuler, peut être produite. C’est ce qu’exprime cet homme (44 ans, en couple avec enfants, chef de chantier bâtiment, 11 mois de chômage) qui était salarié d’une entreprise importante de bâtiment et travaux publics. La notoriété de cet employeur, et sa solidité, l’obligent régulièrement à rendre compte de son départ – à rendre des comptes. Le récit qu’il produit en entretien témoigne de son embarras, qui doit aussi caractériser les explications qu’ils livrent en situation de recrutement : « on a eu, il y avait un ouvrier, son travail n’allait pas, c’était son habitude. Et à un moment, ça s’est mal passé ». Il indique à un tout autre moment de l’entretien qu’il a été accusé de « picoler », ce dont il se défend. Il est ainsi empêtré dans une situation et une histoire qui ne sont pas entièrement dicibles, et qui entravent son retour à l’emploi, alors même que, comme il le dit « on a besoin de gars comme moi » (n°C30).